Il est essentiel pour un manager de savoir dire ce qui va bien, d’encourager ses collaborateurs. Il est tout aussi important de savoir corriger les trajectoires qui ne correspondent pas aux attentes. Dans les deux cas, le manager est alors amené à faire un feedback. Dans ce cadre, le plus important est de prêter attention à la posture qu’il adoptera.
« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface »
Victor Hugo
Des techniques diverses pour faire un feedback
Pour valoriser un collaborateur, un manager utilisera un feedback positif. C’est, à ma connaissance, le seul terme employé pour désigner cette pratique. Mais lorsqu’il s’agit de demander une correction de trajectoire, soudain, la terminologie se fait moins unanime, moins claire, plus hésitante.
Feedback / retour constructif, correctif, pour amélioration, exposition d’axe de progrès ou de développement : les terminologies employées sont en effet très diverses. Toutes aussi diverses sont les techniques prônées pour faire passer au mieux ces messages : introduction par un point positif, technique du sandwich, suppression du « mais » ou autre mot de transition entre la partie positive et la partie corrective, faire un feedforward et bien d’autres encore (*).
Cette diversité de termes et de techniques peut cependant cacher une autre question, bien plus fondamentale, à se poser en amont de toute démarche de demande de correction.
Cette question est tout simplement celle de votre état d’esprit, de votre posture, de votre positionnement : est-ce que vous êtes dans l’état d’esprit d’un juge ou d’un médecin ?
Quelle différence essentielle ?
Le juge se positionne par rapport à la loi : il sépare le bon grain de l’ivraie, il fait la part des choses entre ce qui est bien et ce qui est mal. Ses observations construisent son jugement. Son jugement débouche sur une sanction, qu’elle soit positive ou négative. Il s’intéresse avant tout à ce qui est à l’origine de la situation présente, il est tourné vers le passé. Il cherche à en attribuer dans le présent le mérite ou le démérite.
Le médecin se positionne par rapport à son patient, à la personne qu’il accompagne : il distingue ainsi ce qui est souhaitable de ce qui ne l’est pas. Ses observations construisent son diagnostic. Son diagnostic débouche sur une préconisation de traitement. Il s’intéresse avant tout à l’avenir, à la manière de le rendre conforme aux attentes en agissant dans le présent.
Un exemple concret ? Le cas d’un collaborateur ayant une motivation faible.
Quel sera le regard porté par un juge sur une telle situation ? Probablement un regard sévère. L’employé montrant une faible motivation sera alors l’objet d’un jugement : il est « mal » de manquer de motivation, cela contrarie la bonne marche de l’entreprise et cela demande des efforts et une attention supplémentaire de la part du manager. Avant même d’adresser la parole au « contrevenant » pour lui faire un feedback, le manager ressentira probablement une forme d’agacement ou d’irritation en repensant aux conséquences négatives que ce manque de motivation aura déjà eues. Lors de la confrontation, lorsque le manager soulignera ces conséquences négatives, il est probable que cela suscite chez le « contrevenant » un réflexe de justification, ce qui amplifiera l’irritation du manager sans faire progresser la situation. En synthèse, la posture initiale de juge conduit assez naturellement à un cycle de récriminations/justifications/stagnation assez peu propice à améliorer la situation.
Quel sera au contraire le regard du médecin ? Plus probablement un regard empreint de préoccupation bienveillante. L’employé en manque de motivation sera dans ce cas le sujet d’un diagnostic et son manager lui proposera une forme de thérapeutique : il n’est souhaitable pour personne de manquer de motivation, cela contrarie le développement, l’épanouissement et les accomplissements. L’état d’esprit initial du manager en posture de médecin sera probablement la curiosité, s’interrogeant éventuellement sur les causes possibles de cette perte de motivation mais surtout sur les moyens d’y remédier. Lors de l’échange, lorsqu’il témoignera de cette curiosité, il montrera son réel intérêt pour son collaborateur et son désir de l’aider. Cela favorisera du même coup un climat de confiance et la mise en commun des facultés d’élaboration des deux protagonistes. La posture initiale de médecin conduit donc tout aussi naturellement à un cycle de partage/confiance/co-construction.
Et maintenant ?
La première étape est de prendre conscience de ce mécanisme, des différentes options possibles et de leurs conséquences. Ensuite, si vous pensez en retirer un bénéfice, faites le choix de la posture de médecin au moment de faire un feedback. Comment vous y aider ?
Quelques indices ont été semés tout au long de ce texte à propos de ce qui peut favoriser ou gêner cette posture :
- Votre état émotionnel : un élément prépondérant. En effet, s’il est teinté de colère, vous n’êtes pas sur la bonne voie. Il est donc important de vous donner les moyens, au moment d’intervenir, d’être dans un état émotionnel positif (ou a minima neutre). Cela peut passer par exemple par prendre le temps de faire retomber une éventuelle colère et de se préparer à l’entretien dans le fond et dans la forme.
- Le point de focalisation : est-ce que vous êtes plus tourné vers le passé (et les erreurs qu’il peut héberger, source d’irritation) ou vers le futur (et les progrès qu’il promet, source d’ambition) ? Cela est d’autant plus important que votre énergie se portera naturellement sur l’objet de votre attention.
- La confiance : est-ce que vous faites réellement confiance à votre collaborateur ? Car sans cette nécessaire confiance, vous pourrez avoir quelques difficultés à vous projeter sereinement dans l’avenir. Alors pour favoriser une interaction basée sur la confiance, avant de le rencontrer, listez quelques-uns de ses points forts. Si dans cette liste vous parvenez à identifier des points que vous-mêmes ne possédez pas, c’est encore mieux. Et si vous en profitiez pour mieux l’observer et regarder comment il procède ?
Une fois cette posture adoptée ou ajustée, il vous restera alors à déterminer la technique de construction de retour adéquate parmi celles que vous connaissez. Pour ma part, ma préférence va la plupart du temps au feedforward (**) : suggérer une option d’action transposable dans l’avenir est particulièrement compatible avec les trois points évoqués plus haut.
Mais croyez-moi : le plus gros du travail aura déjà été fait.
(*) à votre disposition pour développer ces termes et techniques.
(**) Je développerai cette approche dans un article à venir, mais je vous invite à me contacter de suite si vous souhaitez plus de détails.