Et vous, est-ce ainsi que vous envisagiez le télétravail, « avant » ? La plupart des retours que je peux avoir sur cette question sont unanimes : pour ceux qui le découvrent à l’occasion du confinement, c’est beaucoup plus compliqué qu’ils ne le pensaient. Pour ceux qui le pratiquaient déjà précédemment, une sérieuse difficulté supplémentaire semble s’être glissée dans le tableau. Et c’est bien normal, car le terme un peu trop générique de « télétravail » dissimule de fait deux réalités très différentes. D’une part la version qui avait déjà (de plus en plus) cours avant le confinement. Et d’autre part la version actuelle, qu’il serait plus adéquat d’appeler « management à distance ». La confusion entre ces deux modes de fonctionnement est par ailleurs entretenue par la profusion des articles titrant actuellement sur le sujet.
Le télétravail : un sujet, deux réalités
Car en ces temps suspendus, la communication virtuelle s’accélère d’autant plus que la diversité des sujets abordés se restreint. Certains thèmes deviennent naturellement à la mode, signes d’une préoccupation partagée, et vont s’étaler sur une surface médiatique très importante. Mais surface et profondeur sont deux choses distinctes. Et certains sujets mériteraient d’être abordés un peu plus en détails vue leur importance. La question du télétravail par exemple.
Combien d’articles avez-vous vu passer sur ce sujet ces dernières semaines ? Combien d’organismes de formation vous ont-ils démarché pour vous proposer de suivre leur programme sur ce thème ? Mais combien se donnent la peine de faire la distinction entre ce qui avait été couvert par ce terme jusque-là et la situation actuelle ?
Management à distance …
Certes, de tous temps, nous avons eu des collaborateurs détachés, délocalisés, basés sur d’autres sites. De ces collaborateurs que l’on croise physiquement une fois par trimestre. Mais ce type de situation était in fine rare. La réalité la plus courante couverte par le terme de « télétravail » correspondait à une liberté accordée à certains collaborateurs de remplir une partie minoritaire de leurs fonctions à distance, typiquement une journée par semaine. Les autres, ceux qu’on ne croisait que rarement, correspondaient généralement à un profil assez particulier. Souvent des experts de haut vol, extrêmement indépendants et autonomes. Des personnes « simples » à manager pour qui sait utiliser le style délégatif. Ou tout du moins ne pas entraver leurs initiatives.
… ou Télétravail « classique » ?
Or si l’on excepte la dimension de l’équipement technologique requis, ces deux situations, en termes de management, n’ont que peu de choses en commun.
Manager un temps réparti entre le bureau et un lieu autre ne demande somme toute qu’un peu d’organisation. Avec un peu d’expérience, le manager et le collaborateur vont apprendre assez rapidement à faire le tri. Quels sujets peuvent être traités lors de ces journées « externalisées » et quels sujets feraient mieux d’attendre la prochaine rencontre physique. Surtout si la rencontre en question se fera dès le lendemain. Typiquement, les sujets peu impliquants sur le plan personnel se traitent aisément à distance. Ceux qui engagent la relation elle-même (tension relationnelle, malentendu, désaccord profond) sont plus périlleux à aborder dans ces conditions et gagneront à attendre des circonstances plus favorables pour être traités.
Quelles différences ?
Mais lorsque ces rencontres de visu deviennent l’exception et le travail à distance l’écrasante majorité, cette répartition n’est plus opérante. Il va être difficile ou tout du moins délicat d’attendre un mois ou deux avant de partager avec votre hiérarchique que sa manière de contrôler par le menu votre activité vous agace au plus haut point, par exemple. Il va donc bien falloir réguler la relation, le mode opératoire, à distance. Et pour cela, il est essentiel d’avoir préparé le terrain à l’avance. C’est souvent cette préparation en amont qui peut faire défaut dans la situation actuelle de confinement.
Limiter les dégâts en attendant mieux
Bon, donc il aurait mieux fallu se préparer à l’inattendu. Mais dans la mesure où cela n’a pas été fait en amont, que pouvez-vous faire dans la situation actuelle pour limiter les dégâts ?
Avant tout, comprendre que parler du contenu du travail (ce qui doit être fait, typiquement les sujets « business » ou techniques) et parler de la relation entre vous et votre collaborateur (comment les choses doivent être faites) sont deux choses radicalement distinctes et incompatibles.
Lorsque nous parlons de contenu, il s’agit de trancher, de choisir, d’élire et d’exclure. Quand nous parlons de la relation, au contraire, il s’agit d’inclure, d’ajouter, de veiller à ne laisser personne sur le bas-côté. Nous voyons bien que ce ne sont pas du tout les mêmes énergies, états d’esprit, attitudes qui vont devoir être aux commandes. Or, passer d’une de ces postures à l’autre n’est pas évident du tout. Cela demande de l’énergie, de l’attention, représente une prise de risque supplémentaire. Et je ne pense pas que vous ayez besoin de ces difficultés additionnelles actuellement.
Alors en attendant de pouvoir jeter les bases d’une relation nouvelle qui se pilotera aisément à distance, quelle que soit la fréquence des points de synchronisation de visu, je vous propose d’adopter une séparation nette dans la nature de vos communications avec vos collaborateurs : des temps dédiés à l’exploration des sujets business ou techniques, et des temps dédiés à la régulation de la relation. Et ce même si vous voulez éviter de multiplier les temps d’échanges à distance. Dans tous les cas, je vous invite fortement à ne pas cumuler les deux catégories de sujet dans les mêmes entretiens. Même de manière séquentielle.
Préparer l’étape suivante
Pour la suite, profitez donc de la situation pour lister tous les points qu’il sera important d’aborder, de visu, quand vous aurez à nouveau le loisir de décider du temps partagé en présentiel.
Dans un article à venir, je développerai la manière dont nous pourrons mieux vous préparer par la suite à ce genre de situation. Avant qu’elle ne se reproduise.
Pour ne pas rater ce développement et ce nouvel article, je vous propose de vous signaler auprès de moi. Je vous invite également à m’exposer sans attendre les points qui vous semblent importants à aborder dans ce cadre.
A bientôt, d’abord sur la toile, et bientôt en vrai ! D’ici là, prenez bien soin de vous.