Vous venez récemment d’être nommé manager, peut-être même de l’équipe dont vous faisiez partie. Tout à la joie de votre promotion toute fraiche, vous prenez les marques de votre nouvelle fonction. Comme vous l’avez fait à chaque prise de poste. Cette prise de repère inclut le plus souvent le fait de rencontrer les différents interlocuteurs avec qui vous aurez à interagir de manière privilégiée. Notamment les membres de l’équipe que vous êtes désormais amené à encadrer. Vous les connaissez déjà, pour avoir travaillé avec eux dans votre ancienne fonction. Et pourtant, vous ne sauriez dire pourquoi, il y a comme quelque chose de changé … comme si, depuis votre promotion de manager, les relations interpersonnelles que vous aviez établies avec eux n’étaient plus les mêmes.
Et de fait, cette relation interpersonnelle n’est plus la même. Car il s’est passé quelque chose, à savoir votre promotion. Parce que quelque chose a changé, à savoir votre statut. Conséquence ? Du moment que vous devenez manager, de nouvelles relations vont se mettre en place. Quel type de relation ? Cela dépend d’avec qui.
Les différents cas de figure parmi les plus classiques :
Le challenger
Il voulait le job, il estimait être le mieux placé pour cela. Mais c’est vous qui l’avez eu. Pour vous, c’est une double peine : celui qui aurait dû être un de vos principaux piliers se retrouve au contraire être potentiellement une gêne, un opposant. Il ne vous rate pas. Pas plus qu’il ne rate une occasion de souligner tout ce qui ne va pas, y compris voire surtout en public. Vous réalisez, depuis que vous êtes son manager, à quel point il dispose de relations partout dans l’entreprise. Il vous titille, mais tout en restant prudemment juste du bon côté de la ligne rouge. Et ça vous agace. Guerre d’usure, guérilla, il sait qu’il ne peut pas perdre à ce jeu. Et votre sentiment de légitimité encore fragile ne va pas vous aider à gérer sereinement la situation.
Quoi en faire ? A vous de voir, évidement, mais une bonne remise à plat pourrait s’avérer nécessaire. En tête-à-tête bien entendu. Et en ayant préparé a minima votre introduction. Les messages à faire passer ?
- La compétition est derrière, le devenir est devant. Quelle que soit l’ambition de votre challenger, visiblement quelque chose lui a fait défaut pour la concrétiser cette fois-ci. Comment pouvez-vous l’aider à développer ce quelque chose qui lui a fait défaut ? Et si son ambition a évolué et le pousse vers de nouveaux objectifs, comment pouvez-vous l’aider à se développer pour les atteindre ?
- Vous avez besoin de lui, de ses compétences, de sa coopération. Vous avez besoin de son regard critique à condition qu’il soit positif, respectueux, constructif.
- Et pourquoi pas, si tel est le cas, lui avouer votre agacement éventuel face à une attitude que vous vivriez comme désagréable ? Inutile de vouloir le lui cacher : si cet agacement existe, il le percevra. Et cet agacement peut même être une de ses motivations à persister dans son attitude « taquine ». Lui rappeler aussi que l’humour, ce bouclier au dos si large, consiste à faire rire autrui. Si la cible, loin de rire, s’agace, c’est que ce n’est pas de l’humour. C’est de la moquerie. Ou au mieux de l’humour raté.
Le vieux copain
Vous travaillez ensemble depuis très longtemps. Peut-être même êtes-vous entrés en même temps dans la boîte. Vous en avez passé des pauses à casser du sucre sur le dos de votre hiérarchie. Peut-être même partagez-vous des activités en dehors du cadre professionnel ? Il a été le premier à vous féliciter lors de votre promotion. Vous avez alors peut-être tiqué lorsqu’il a ajouté que « ça sera un plus pour vous deux » dans la suite des opérations. Il considère peut-être que votre succès-à-vous, c’est un peu le sien aussi. Il joue la situation à l’affectif, à la proximité. Et il a déjà sa réplique prête, si d’aventure vous deviez le décevoir : « tu as changé depuis que tu as ce nouveau poste, tu n’es plus le même ».
Quoi en faire ? C’est le cas le plus délicat à traiter, le plus personnel. A vous de voir, en fonction de la continuité ou de l’évolution que vous souhaitez imprimer à cette relation qui vous implique également. Dans tous les cas, il serait intéressant (et important) d’instaurer a minima une distance professionnelle dans vos rapports. Un mot-clé, tourné sous la forme de l’humour, peut utilement servir de garde-fou et de rappel à l’ordre. Rappel du fait que vous ne pouvez pas partager avec lui toutes les informations dont vous disposez à présent. Ni l’impliquer plus que ses collègues dans vos prises de décision.
Le « pas d’accord ! »
Ce n’est pas après vous qu’il en a en particulier, c’est plutôt à votre nouveau costume. Parce que pour votre information, vous portez désormais un nouveau costume, un uniforme invisible qui vous désigne clairement comme faisant partie des « responsables », entendez par là des personnes à l’origine de tout ce qui ne va pas dans l’entreprise.
Quoi en faire ? Face à cette projection (dans laquelle votre rôle principal tient du porte-manteau), peu de choses à faire. Si ce n’est (mais ce point est essentiel) prendre du recul. Les injonctions et autres diatribes dont vous pourriez soudain devenir la cible ne sont pas adressées à votre personne, mais à cet uniforme invisible que vous avez endossé lors de votre prise de poste. Rien ne vous empêche de tenter de vous réhumaniser à ses yeux, mais à mon sens sans y placer trop d’espoir dans un premier temps. Et au fond, quelle importance ? Il fera son travail, peut-être en maugréant, mais probablement de manière appliquée et impliquée. Il a dans la plupart des cas surtout besoin de temps pour apprendre à vous faire confiance.
Le « qu’est-ce qu’on fait ? »
Cousin du précédent, il vous voit avant tout lui aussi comme un porte-manteau à projection. Mais dans son schéma, ce ne sera pas dans un premier temps pour vous blâmer ou pour contester vos décisions. Cela sera au contraire pour s’en remettre pleinement et entièrement à vous. Vous qui soudain vous retrouvez auréolé d’une aura dont vous n’avez peut-être pas conscience au départ. Ne soyez donc pas outre mesure surpris si soudain votre approbation devient nécessaire pour des décisions qui pourraient amplement être prises à son niveau.
Quoi en faire ? Eh bien développer et déployer vos compétences de manager, de celles qui vous permettront de l’accompagner sur le chemin de la prise de décision autonome.
Manager ses relations ou les perdre ?
En conclusion, oui, quel que soit le cas de figure, depuis que vous êtes manager, une distance s’installe ou devra être installée dans vos nouvelles relations à vos collègues. Oui, vous vous sentirez un peu plus seul qu’avant. « Sur la planète managériale, le manager est si seul que lorsqu’il regarde l’horizon, il voit son propre dos ». C’est lié à votre nouveau statut, votre nouvelle fonction.
Ce n’est par ailleurs que transitoire, le temps de créer de nouveaux liens avec des personnes partageant vos nouvelles préoccupations.
Dans l’intervalle, il peut être important de s’appuyer sur une relation plus privilégiée, aux liens plus resserrés. Votre propre hiérarchique sera pour cela le candidat idéal, éventuellement complété d’un accompagnement à la prise de poste.