Cet article fait suite à celui-ci, dans lequel j’insistais sur les situations très différentes que peut recouvrir le terme de télétravail. Car clairement cela peut désigner a minima deux cas de figure bien distincts. Il peut s’agir notamment d’accorder à vos collaborateurs le droit de travailler 20% de leur temps de chez eux. Ou de manager à distance une équipe dont certains membres sont basés de manière permanente hors de vos murs ; voire de vos frontières pour les cas plus extrêmes.
Dans les lignes qui vont suivre, je prends le parti de traiter essentiellement de la deuxième situation. Trois raisons à cela :
- Qui peut le plus peut le moins. Il est beaucoup plus ardu de manager des éléments délocalisés en permanence.
- La situation « classique » du télétravail est déjà souvent couverte dans la littérature et/ou les offres de formation. Par « classique », j’entends qu’elle ne porte que sur une quantité généralement restreinte du temps de travail,
- Cela correspond à ce que la situation récente ou actuelle peut comporter de réellement nouveau. Le confinement vous imposait en effet peut-être de devoir gérer votre équipe comme si elle était hors de nos frontières.
Il est donc bien possible que vous voilà, depuis quelques semaines, contraints d’aborder une dimension du management à laquelle peu de choses vous préparaient. Et qui plus est, une dimension qui entre en contradiction avec beaucoup d’éléments de notre culture managériale habituelle. Si vous éprouvez quelques difficultés à conduire un tel management, vous ne devriez donc pas être le seul.
Car manager à distance, qu’est-ce que cela demande pour bien fonctionner ?
Sur le plan technique
Un cahier des charges précis. Assez précis pour permettre à celui qui en est le dépositaire (le maître d’œuvre) de se positionner à tout instant quant à l’avancée de son projet. Avez-vous déjà exercé la fonction de chef de projet en France ? Le cahier des charges n’est souvent pas ce qu’on sait le mieux construire. Plus fréquemment, il reste flou sur de nombreux points. Et les changements de directives en cours de route ne sont pas rares. Des changements qui vont être supposés « transparents » dans l’exécution du projet, bien entendu. L’évaluation de l’avancée du projet reste trop souvent in fine dans les mains du maitre d’ouvrage faute de spécifications suffisamment précises. Ce sont des choses hélas habituelles chez nous.
Or tous ces éléments sont tout à fait incompatibles avec un management à distance efficace. Mettez-vous une seconde à la place de votre collaborateur, seul chez lui sans directives précises et dont l’essentiel des retours qu’il reçoit sont négatifs et consistent en « ce n’est pas ça que j’attendais de toi ». Pas beaucoup plus de précisons sur l’attendu. Il sait juste que vous rejetez son travail. Imaginez-vous l’impact sur sa motivation ?
Sur le plan managérial
Une délégation réelle passant par une acceptation de la part du manager de « lâcher prise ». Ce fameux « lâcher prise » que j’hésite presque à mentionner dans le cadre de mes interventions tellement il est vilipendé depuis des années voire des décennies par ses détracteurs. Ce « lâcher prise » volontiers amalgamé avec le laxisme pour le discréditer. Alors qu’il ne s’agit que de renoncer à l’illusion de contrôle. Je développerai cette idée et sa confusion avec le laxisme dans un autre article, mais rappelons rapidement que le lâcher prise consiste avant tout à se focaliser sur la part de la tâche à accomplir qui nous incombe, en acceptant par avance que le résultat final échappe à notre contrôle. « Je fais ce que j’ai à faire, et il se passera ce qui doit se passer ».
Autre condition de ce management délégatif, il est essentiel de mettre en place un management centré sur les résultats obtenus et non pas sur les moyens déployés. Cela suppose cela dit d’une part de détailler les résultats attendus (nous voilà de retour sur la question de la précision du cahier des charges) ; et d’autre part de laisser le collaborateur prendre des risques et ainsi s’exposer à faire éventuellement des erreurs (dans les limites clairement définies de la délégation qui lui est concédée, bien entendu, afin d’éviter des conséquences trop fâcheuses).
Sur le plan relationnel
Il est essentiel de développer la confiance, et dans l’intention et dans la capacité de l’autre à faire son travail. Car je vous rappelle que deux types de confiance sont essentiels pour une relation fructueuse. La confiance dans l’intention, avant tout : être persuadé que son collaborateur souhaite contribuer efficacement au projet. Et la confiance, ensuite, dans sa compétence à le faire, ou au pire dans sa capacité à acquérir cette compétence.
Il est tout aussi essentiel d’intégrer l’importance de la relation et d’y mettre l’accent. Autant cela peut sembler (faussement) accessoire quand vous êtes en contact direct avec votre équipe, et donc capable de contrôler en temps réel ce qui est fait par les uns et les autres, autant tout cela vole en éclat dès que la distance vous interdit toute forme de contrôle réel et un tant soit peu effectif.
Du côté des outils pour bien manager à distance
Nous avons besoin d’outils de communication spécifiques, bien entendu. Un équipement informatique bureautique, une connexion internet de qualité pouvant soutenir une visioconférence, un point de partage de fichiers. Ce n’est généralement pas ce qui est le plus compliqué à mettre en place.
Il n’y a plus qu’à apprendre à s’en servir, par-contre. Ne pas essayer de gérer une tension relationnelle par courriel, par exemple. Ou apprendre à piloter une réunion à distance, avec ou sans vidéo.
Un travail préparatoire souvent absent avant d’être en situation de manager à distance
Cette liste vous rappelle-t-elle quelque chose ? Est-ce qu’elle résonne avec votre vécu actuel ou récent ? Ce sont tous ces éléments, bien connus de ceux d’entre vous ayant déjà eu à manager à distance, qui sont à mettre en place pour pouvoir sereinement piloter vos équipes chez elle et/ou de chez vous. Une des difficultés supplémentaires à laquelle vous avez peut-être fait face est que certains de ces éléments sont particulièrement ardus à mettre en place à distance.
C’est pour cette raison que lors du lancement d’une telle équipe, amenée par la suite à travailler à distance, j’insiste fortement pour qu’elle pose ses fondations en présentiel. Il s’agit alors de consacrer l’essentiel de l’énergie et du temps disponible de visu à ne parler que du contrat relationnel et des modes opératoires. En dépensant le moins possible à parler des dossiers ou projets en cours. Contrintuitif sur l’instant, mais essentiel sur le terme.
Alors dans la situation présente, jetons les bases de ce qui pourra grandement faciliter la suite des opérations. Vous pourrez certainement mettre en place certains de ces éléments sans attendre. Pour les autres, le mieux est peut-être de se projeter de suite dans ce qui pourra répondre à ces différents besoins.
Pour répondre à ces différents besoins, quels dispositifs ? Suivant les besoins qui vous paraitront les plus prégnants, la réponse adaptée pourra être de l’ordre de la formation ou du coaching (collectif, individuel, d’équipe ou d’organisation). Nous détaillerons leur usage dans un article à venir.
Je vous invite à prendre contact avec moi de suite pour que nous puissions échanger sur votre situation propre sans attendre.